Sparks : making of Imprimer
Samedi, 24 Avril 2010 07:45

Alors que le 21ème siècle entame sa deuxième décennie, les pages de presse se remplissent d’articles parlants du déclin de l’industrie de la musique, et il est aujourd’hui plus que jamais difficile pour les musiciens de vivre de leur musique. Pour faire face à cette situation, certains groupes ont choisi de prendre en charge leur carrière eux-mêmes – chose peu aisée pour les groupes n’ayant pas encore « explosé » aux yeux du grand public. Pourtant c’est exactement ce qu’a fait Fiction Plane, et en des temps où l’on entend tellement de sombres propos concernant le futur de la musique, le groupe inaugure cette nouvelle décennie avec un troisième album studio intitulé Sparks, chargé d’espoir et d’optimisme. Voici pourquoi.

Fiction Plane - SparksL’histoire commence début 2009. Après avoir tourné pendant deux ans et demi autour du monde, en passant par Paris au Stade de France devant 85,000 personnes et en tête d’affiche du légendaire Paradiso Club à Amsterdam, Pete Wilhoit (batterie), Seton Daunt (guitare) et Joe Sumner (chant/basse) se sont réunis dans une cave crasseuse de New York pour se remettre au travail. ‘Nous n’avions pas d’idée précise sur ce que nous voulions faire à ce moment là, ce qui était plutôt nouveau pour nous,’ explique Pete. ‘On avait deux chansons qu’on jouait déjà en live, mais on avait tous le sentiment que ce nouvel album devait être un vrai effort collectif’. D’après Seton, ‘environ 90% de l’album a été fait en collaboration, alors qu’avant la plupart des idées musicales seraient venus de Joe.’ Le groupe a passé trois semaines à écrire, travaillant sur des fragments d’idées et enregistrant le tout dans un ordinateur portable. ‘On s’est retrouvé avec des heures d’enregistrement, on a donc tout passé au crible pour trouver les moments les plus magiques,’ nous dis Joe. Certaines chansons furent dévoilées fin février 2009 lors d’un concert en petit comité à New York. ‘C’était important pour nous de jouer les chansons devant un publique le plus tôt possible,’ dis Pete. ‘Jouer en live est notre point fort, donc on doit être sur que les chansons fonctionnerons dans ce type d’environnement.’

Une fois assuré d’aller dans la bonne direction, le groupe entra aux Studios RAK à Londres avec le producteur Paul Corkett en février et mars de l’année dernière, avant de terminer Sparks à Moles, le studio situé au dessus de la légendaire salle de concert, en septembre dernier. ‘Avant de commencer à enregistrer, nous nous sommes demandé ; qu’est ce que l’on aimerait entendre si on écoutait un groupe que nous aimons ?’ explique Seton. ‘Nous avons utilisé ça pour être plus imaginatif, et pour essayer des choses que l’on n’aurait pas tenté autrement’ Comme Joe le confirme, ‘Cette fois il n’y avait personne pour nous dire que l’on avait besoin d’un single, ou que l’on allait se retrouver à nettoyer les toilettes si on ne vendait pas 50 millions d’albums. C’était un sentiment agréable.’ Ce manque de pression extérieure se manifeste par l’aspect diversifié et aventureux de l’album, tout en gardant les mélodies douces-amères et la dynamique rock caractérisant les précédents albums de Fiction Plane. ‘Nos différentes influences se ressentent beaucoup plus sur cet album,’ dis Seton. ‘On est tous fan de Radiohead et Queens Of The Stone Age, mais je suis un grand fan de Bob Dylan, Joe aime Pavement, et Pete adore Coltrane et ce genre de choses. Notre musique ne ressemble pas énormément à tous ces artistes, mais on a tenté d’avoir une approche similaire à la leur. Aujourd’hui il est difficile de vendre des albums, et tu ne va pas automatiquement vendre plus si tu prends moins de risques, comme mettre des passages instrumentaux de cinq minutes dans une chanson. Autant faire ce que tu veux et t’éclater.’

Fiction Plane - SparksUne partie de l’album émergea des sessions à Moles, que Joe décrit comme ‘un petit coin rock’n’roll incroyable situé au dessus d’un pub et d’une boite de nuit’, qui conféra au groupe une opportunité unique de tester Sparks en live et de l’enregistrer juste après. ‘Souvent on enregistrait un mix rapide, puis on descendait dans le pub et on le jouait devant un publique pour voir la réaction des gens’, il continu, ‘Si les gens ne connaissent pas une chanson mais qu’il y a une réaction positive, ils seront enclin à l’apprécier encore plus une fois finie, et être capable de savoir ça directement aide à voir ce qui fonctionne et ce qu’il vaut mieux abandonner’. La première chanson de l’album, You Know You’re Good (The La La Song), fût écrite de cette manière. ‘On l’a jouait en live depuis deux ans, elle durait environ huit minutes et avait un titre différent,’ dis Seton. ‘On a effectué toutes sortes de changements et de digressions bizarres,’ continu Joe, ‘On avait déjà essayé de l’enregistrer, mais au final on a seulement gardé les passages auxquels les gens répondaient le plus, en réduisant le tout à trois accords et quatre phrases’, donnant à la chanson un aspect plus punk, combiné avec un refrain qui vous reste en tête immédiatement. Comme sur la majeure partie de l’album, il y une énergie live très naturelle dans cette chanson. Ce n’est pas le travail d’un groupe qui a tout numérisé sur ProTools. Au contraire, cela sonne comme un groupe de musiciens parfaitement à l’aise et en confiance avec eux-mêmes, avec un son et une personnalité qui dépassent leurs influences.

‘Une des choses que j’ai apprise en tournée’, dis Joe ‘est qu’il est possible d’être beaucoup plus expressif au niveau des paroles et que le publique ne trouvera pas ça étrange. Lorsque tu écris, tu as toujours tendance à penser que de petites différences sont importantes, mais maintenant que l’on est beaucoup plus à l’aise en jouant, je sais que la musique soutiendra le texte quoique j’écrive, et cela me donne la force d’expérimenter une nouvelle manière d’écrire.’ Cette manière de voir les choses est évidente sur Russian LSD, inspirée par The Master And Margarita, satire de la période postrévolutionnaire Russe écrite par Mikhail Bulgakov, et sur Humanoid, une dissection cynique mais lucide des personnages de Walter Mitty, que l’on peut parfois rencontrer dans l’industrie de la musique. A propos du précédent, Joe explique, ‘J’ai lu The Master and Margarita il y a deux ans, et pendant qu’on jouait la chanson, je me suis dis que ça pourrait être la bande originale des bacchanales de débauche vers la fin de l’histoire.’ ‘J’ai l’impression que l’on a évolué jusqu'à devenir le genre de groupe qui peut faire ça en toute confiance, alors qu’avant, on aurait eu peur de perdre l’attention du publique’, dis Pete. Le même sentiment d’aventure musicale et de liberté se retrouve dans Humanoid, que Pete décrit comme découlant ‘d’un de ses moments durant la phase d’écriture ou tu te laisses emporté par le rythme. La chanson commence avec une boucle de batterie à la Radiohead, et on a rajouté quelques trucs comme une boite à rythme pour donner un effet moins commun. Il y a plein de différents passages et de différentes textures, c’est presque comme faire un voyage, et c’est très satisfaisant musicalement d’avoir quelque chose comme ça sur l’album.’ Au niveau du texte, Joe ne nous dira pas si Humanoid parle d’une ou plusieurs personnes. ‘Je ne veux pas dire de noms,’ il rit, ‘Mais il existe vraiment, errant sur terre. Il est peut-être dans l’industrie musicale, peut-être pas – enfin il l’est, si vous le croyez lui…’

Fiction Plane - SparksIl y a un autre personnage à la fois étrange et incroyable dans Tommy, un morceau rock-groovy, Seton explique que cela parle ‘d’un anglais bourré qui se retrouve dans un bar à striptease et obtiens plus que ce pour quoi il a enchéri.’ Joe continue : ‘On a passé du temps à Paris, et il y avait tout le temps des tas d’anglais comme lui qui trainaient autour de Pigalle. Un peu plus tard on les voyait se faire attraper par le col et jeter hors de clubs de striptease mal famés.’ L’apogée de Sparks se trouve dans une ballade rock épique, Denied, ‘la chanson d’amour la moins déprimante que Joe n’ait jamais écrit’, d’après Seton, mais qui possèdent tous les atouts d’un futur classique. Joe confie que c’est une des chansons les plus personnelles de l’album. ‘Je n’ai chanté les paroles à personne avant que l’on entre en studio pour enregistrer,’ dit-il. ‘Je n’étais pas sûr de vouloir aller aussi loin car, en tant qu’auteur, je pense que je suis plus à l’aise avec des sujets sombres, mais c’est un des moments de l’album ou je peux réellement m’entendre parler.’ En discutant avec les trois membres de Fiction Plane, il est difficile de ne pas être étonné à quel point ils sont fiers de Sparks. Comme le dit Seton, ‘Même si tout s’arrêtait demain, nous avons fait exactement l’album que l’on voulait faire artistiquement. C’est une vraie représentation de ce que nous sommes en tant que groupe, et nous pensons que cela se ressent dans la musique.’ Joe reformule différemment : ‘C’est une représentation de cet instant, et je ne veux pas que cela se termine. Aujourd’hui le marketing prime pour beaucoup d’artistes. Je ne juge pas – c’est souvent nécessaire. Mais nous on va dans l’autre sens, et je pense que les gens comprendront ça en écoutant l’album. Je veux dire, j’aime être surpris par la musique. Souvent tu vas sur un site et tu vois ‘si tu aimes X, tu aimeras Y’, et ce n’est presque jamais le cas. J’aime être fasciné par quelque chose; c’est ma manière de découvrir la musique, et si les gens finissent par découvrir cet album de la même manière, ce serait fantastique.’